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Le fantôme de Roucy

5 mars 2011

Jean Vautrin

"Yves faisait grand cas de l'amitié. Lui parliez-vous des petites âmes et du temps qui passe, il devenait intarissable. Il affichait dès vautrin2l'entrée des contradictions. Son combat inutile contre lui-même. Mélange subtil d'orgueil lucide et d'humilité récalcitrante. Analyste compétent de ses propres faiblesses, narcisse de ses qualités infinies, écrivain de race, clamant son refus de la médiocrité, donnant libre cours aux saintes colères que lui inspirait l'enfer quotidien, éternel insatisfait, puriste jusqu'à la manie. Grand, superbe examinateur du passé. Blessé à la jeunesse. A la fierté. A la rebiffe. Il honnissait la guerre (et avait raté la sienne, la Quarante, se contentant de ramener sa peau), mais ne pouvait se passer de sa liturgie, de ses pompes, de ses vestiges ou de sa tragique haleine."

Texte de Jean Vautrin (extrait) envoyé à Gérard Rondeau. Juin 2003.

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1 mars 2011

Roucy, droit de réponse

"Monsieur Gibeau,

Un de mes amis, qui n'habite pas la région, me fait parvenir une coupure du journal LA VOIX DU NORD, qui rapporte, dans leur intégralité, les termes de l'interview que vous avez accordé à l'un de ses correspondants. Je ne m'abaisserai pas à y répondre par des propos aussi malveillants et aussi outrageants que ceux que vous employez à l'encontre des gens de ROUCY. Ce n'est pas mon genre.

Sans doute est-ce à dessein que, pour répandre votre fiel, vous vous soyez adressé à un journal non lu dans la commune. Personnellement, je ne puis m'empêcher de penser que cette recherche délibérée du scandale fait partie de la campagne de lancement de votre livre à paraître. Je ne puis préjuger de la teneur de ce livre, puisqu'il n'est pas encore paru, mais s'il est de la même veine que celle de votre article, les habitants de ROUCY n'ont aucune peine à imaginer le genre de sauce à laquelle ils se verront accommoder.

Vous avez tort, Monsieur Gibeau. Permettez-moi de vous le dire ! Permettez-moi également de vous dire que si vous aviez apporté la même attention à essayer de découvrir, chez eux, ce petit quelque chose de bon, fut-il infime, que chaque individu porte en lui-même, au lieu de ne rechercher que ses défauts, vous auriez peut-être été surpris d'y trouver des qualités que votre incommensurable misanthropie vous empêche de voir. Vous avez eu de la chance, et aussi la volonté sans aucun doute, de pouvoir passer votre vie à vous cultiver. Eux ont fait autre chose. Tout simplement ! Ils y ont aussi trouvé des motifs de satisfaction qui ne sont peut-être du niveau des vôtres, mais qui, croyez-moi ne sont pas sans valeur pour autant.

Question de lanterne avec laquelle on s'éclaire, Monsieur Gibeau ! La vôtre, en la circonstance, me semble passablement occultée. Salutations distinguées.

Habitant de Roucy - Paysan dans toute l'acceptation du terme. Fier de l'être et pas idiot pour autant."

Lettre adressée à Yves Gibeau par un habitant de Roucy (désirant garder l'anonymat mais souhaitant qu'elle soit rendue publique) envoyée à la suite de la publication de Mourir idiot.

4 février 2011

Vallis Clara

Vallis_Clara

Quel beau cadeau que celui reçu par l'ami Eeguab, et pas des moindres car ce sont les carnets de tournage du film documentaire Vallis Clara (Vallée claire) d'Amalia Escriva, avec notamment des extraits de René Char, des photographies du Père Courtois ou de l'équipe. Mais commençons par le début :

Premier carnet :

Premier jour de tournage, le mardi 08 février 1994 et arrivée de l'équipe à Craonne, puis l'abbaye de Vauclair et ses environs. "... nous filmons le reflet du Père Courtois sur l'étang aux moines. Un vent léger brouille la surface de l'eau et m'agace. On filme alors sa haute stature oscillante, reconnaissable entre toutes, inoubliable à présent."

Le lendemain, l'entretien avec le Père Courtois est filmé : "Le Père Courtois nous a énormément donné, en témoignages, en poésie, en profondeur surtout." En illustration, nous apercevons la cabane du Père Courtois, "gélatine aux fenêtres." Au troisième jour, le Père Courtois confie que l'entretien l'a fatigué. Le quatrième jour est consacré au cimetière du nouveau Craonne et le café de Festieux. Tournage au Château de Bove le cinquième jour avec sa perspective sur le Chemin des Dames ; apparition de Monsieur de Benoist, ami de longue date du Père Courtois. Au neuvième jour, Yves Gibeau est à l'hôpital à la suite d'un accident cardiaque (16 février 1994). Ce carnet s'achève au treizième jour de tournage.

Deuxième carnet (Notes de tournage - cahier N°1 - Printemps) :

Introduction et présentation de l'équipe et de la Production. Photographies, documents et notes personnelles de la réalisatrice.

Troisième carnet (Notes de tournage - cahier N°2 - Été) :

Doutes de la réalisatrice. "Craintes de ne pas parvenir à faire un film à la mesure de celui dont il est question. Arriver à cadrer sa véritable envergure." Jours de tournage du 05 août au 11 août 1993. Surprise pour le troisième jour de tournage : "L'après-midi, quelques plans du chantier de fouilles où Yves Gibeau nous a rejoint, ses yeux bleus toujours si vifs malgré sa convalescence, et ses tourments d'écrivain."

Quatrième carnet (Notes de tournage - cahier N°3 - Automne) :

08 octobre au 11 octobre 1993. Visite à Roucy chez Gibeau qui dédicace un exemplaire d'Allons z'enfants à l'amie de la réalisatrice. Tournage au vieux Craonne le 10 octobre 1993.

Cahier_2

Ces carnets procurent une sensation mélancolique et grave sur les fantômes de la Grande Guerre et les souvenirs enfouis dans la terre, les pierres et le vent sifflant. En toile de fond, les ruines, Vauclair et la stature du Père Courtois, personnage phare de ces opuscules. Merci infiniment à Claude pour ce cadeau inestimable et qui a toute sa place dans ce blog consacré avant tout aux hommes de bonne volonté et profondément humains.

Informations supplémentaires sur Vallis Clara.

30 janvier 2011

Georges Moustaki

"Quand j'ai croisé Yves Gibeau, il venait de publier Mourir idiot chez Calman-Lévy (qui était aussi mon éditeur). Il me l'a offert et georges_moustakidédicacé et je me suis souvenu d'Allons z'enfants qui m'avait impressionné dans les années 50. Je découvrais ses prises de position auxquelles j'adhérais. Voici les deux liens que j'ai eus avec Gibeau et son œuvre. J'ai cru comprendre qu'il avait passé de longues années sans écrire. J'étais ému de le rencontrer et par vous j'apprends qu'il écoutait mes chansons. Cela m'émeut d'autant plus..."
Lettre de Georges Moustaki à Gérard Rondeau (extrait, avril 2003).

25 janvier 2011

Jean-Paul Kauffmann

"Le grenier m'a beaucoup impressionné. Tout cet amas d'obus oxydés, de fusils déchiquetés, de balles rouillées, de gamelles, de AVT_Jean_Paul_Kaufmann_6395réchauds vert-de-gris est un des spectacles les plus poignants qu'il m'ait été donné de voir. L'extraction et l'entassement de ces souvenirs ont dû lui procurer un sentiment d'euphorie. Cette collection qui porte la mort a quelque chose de jubilant. Il devait exulter quand il montait dans ce grenier où le vent ne cesse de gémir à travers les poutres. Et cette odeur de charpente et de poussière ! Gibeau est le seul à avoir imaginé le vrai musée de la guerre 14-18, un conservatoire personnel où les objets stockés sont sales, corrodés, usés. Ce sont les trésors d'un mineur de fond qui n'a cessé de trouver le bon filon. Pour le coup, il s'est laissé aller. Étrangement rien n'est classé cette fois."
Lettre de Jean-Paul Kauffmann à Gérard Rondeau (extrait, juillet 2003).

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20 janvier 2011

Père René Courtois

[...]
Yves Gibeau avait rêvé tout simplement de retrouver l'harmonie paisible du Premier Jardin, à la première page de la Bible. Mais courtoispersonne ne lui avait jamais dit que ce jardin-là ne se trouvait pas à l'origine des choses, mais au bout de chacune de nos vies. Alors, il errait au milieu de nous, se heurtant douloureusement aux encoignures des faits et des choses, comme un enfant perdu dans la pénombre d'un grenier inconnu. Sans doute aussi l'avions-nous affublé injustement d'étiquettes abusives : "anarchiste", "anti-militariste", etc.
C'est pourquoi d'aucuns avaient-ils été déconcertés par cette volonté de venir terminer sa vie aux abords de cette "arête vive du massacre" (Aragon) qu'est le Chemin des Dames. Plus étonnés encore de l'y voir errer quotidiennement, en quête d'on ne sait quel secret.

Pour moi, c'est sûrement l'image que j'aimerais garder de lui : Yves Gibeau, debout au milieu des champs nus du Chemin des Dames, découpant sur des ciels toujours mouvants sa silhouette si élégante. Debout et silencieux, le regard perdu au loin dans les vastes horizons de ces lieux, et tout entier plongé dans une intense méditation qu'on avait scrupule à interrompre. Sans doute, à ces instants-là, se murmurait-il les vers d'Aragon :

"Créneaux de la mémoire ici nous accoudâmes
Nos désirs de vingt ans au ciel en porte-à-faux
Ce n'était pas l'amour mais le Chemin des Dames"

Texte écrit et lu par le père René Courtois aux obsèques d'Yves Gibeau dans l'ancien cimetière de Craonne.

15 janvier 2011

Jacques Tardi

"Alors, qu'Yves Gibeau ait eu sur sa table de nuit Le Voyage mis en images par moi-même, bien modestement mais avec passion,AVT_Jacques_Tardi_3013 oui cela me va droit au cœur... à cause encore une fois des images, les miennes cette fois, qu'il a forcément regardées. J'aurais aimé avoir son avis, qu'on en cause tous les deux, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés. Il y aurait eu aussi le Chemin des Dames, j'en suis sûr, dans la conversation... et Fontanarosa, peut-être ? Vous voyez le lien... Mais sans doute ne faut-il voir là qu'une élucubration de ma part ? Allons, z'enfants, relisez Gibeau, histoire d'entretenir une colère salutaire par les temps qui courent !"
Texte de Tardi envoyé à Gérard Rondeau (extrait, juillet 2003).

10 janvier 2011

Fessée en perspective ?

Andelys_EcolMiliPrepa"Monsieur,

En réponse à votre lettre du 15 juillet, je vous fais connaître que votre fils a totalement perdu son année scolaire faute de vouloir travailler, et par sa dissipation ; les résultats des examens de fin d'année ont pleinement justifié la moyenne des trimestres qui est de 6,22 sur 20.
Comme conséquence de cette faiblesse, l'élève Gibeau se trouvera obligatoirement affecté à la section de l'enseignement technique Tulle et recommencera sa 1ère année d' E.P.S. D'autre part, il conviendra que vous vous employez à obtenir que votre enfant change radicalement sa conduite et qu'il accepte de rester dans une École Militaire Préparatoire, car j'ai l'impression nette qu'il a toujours voulu s'en faire retirer.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées."

Lettre du chef de bataillon Mege, commandant l'école militaire préparatoire des Andelys, au père d'Yves Gibeau, 18 juillet 1930.

5 janvier 2011

Bulletin trimestriel


plumier1900g

École Militaire Préparatoire des Andelys
Appréciation du Professeur de la Classe, deuxième trimestre 1929-1930 :

"Élève très médiocre. Applications et travail absolument insuffisants. Devra changer radicalement sous peine des sanctions les plus sévères."

Appréciation du Commandant de la Compagnie :

"Mauvais élève. Beaucoup de punitions."

28 décembre 2010

Adamov

"Le seul problème est de savoir utiliser ses névroses."arthur_adamov_

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